Le temps où les Tunisiens regardaient le ciel avec confiance est désormais lointain. Ces dernières années, réchauffement climatique oblige, la sécheresse a profondément modifié cette relation ancestrale entre nous et la principale source de vie, l’eau. Depuis, les précipitations ne sont plus un simple phénomène météorologique, elles sont devenues un sujet de conversation nationale, une source d’angoisse collective et, parfois, comme c’est le cas ces jours-ci, une lueur d’espoir partagée.
Les Tunisiens se sont mis à suivre avec une attention presque fébrile le niveau des barrages. Les noms de ces géants de béton qui retiennent les précieuses gouttes tombées du ciel sont devenus populaires. Les bulletins météorologiques sont scrutés avec attention. Les informations sur chaque millimètre de pluie tombé sont partagées sur les réseaux sociaux. L’information ne relève plus uniquement des autorités ou des experts, elle s’est démocratisée, généralisée, devenant un signe avant-coureur du moral collectif, très bas lorsqu’il ne pleut pas, et enjoué lorsque le ciel s’avère généreux.
Ainsi, les récentes pluies ont contribué à une augmentation du niveau des barrages, avec un taux global de remplissage atteignant 33%. Mieux encore, les prévisions annoncent que ce chiffre devrait dépasser les 40% d’ici la fin février. Si les chiffres sont très encourageants, ils demeurent toutefois insuffisants pour dissiper totalement notre inquiétude, après avoir compris, à nos dépens, que chaque goutte d’eau est précieuse.
Le souvenir du rationnement de l’eau, des coupures prolongées et des restrictions est encore vif. Il rappelle une évidence que l’on a longtemps négligée : l’eau est un bien commun, précieux et fragile dont la gestion appelle à une approche anticipatrice, une vision durable.
Collecter l’eau de manière plus efficace, limiter le gaspillage, moderniser les infrastructures et repenser les modes d’usage sont autant de défis pour éviter que les mêmes craintes ne viennent de nouveau assombrir les esprits à chaque saison sèche. Et que les risques de sécheresse, avec leurs conséquences dévastatrices sur l’humain, l’animal et la végétation, ne se profilent une fois de plus à l’horizon. C’est pourquoi les barrages ne doivent pas seulement se remplir, ils doivent aussi faire l’objet d’une gestion plus efficiente d’une ressource que l’on croyait acquise, inépuisable, et qui, aujourd’hui plus que jamais, exige toute notre attention.
Et s’il est vrai que les cieux ont été cléments ces dernières semaines, les barrages ne sont pas encore pleins, mais se remplissent peu à peu. Et c’est à nous, collectivement, de veiller à ce que l’eau, au-delà d’une promesse, redevienne, enfin, une richesse qui coule de source.